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Qu’est-ce que la tradition en astrologie?

Conférence commémorative en hommage à Charles Carter donnée à l’Association astrologique de Grande Bretagne et à la Loge astrologique de Londres, septembre 2009

Qu’est-ce que la tradition en astrologie?

 

Le livre de Miljiana Mitrovic et Alexsandar Imsiragic consiste en une collection de thèmes de naissance d’astrologues célèbres depuis les temps anciens jusqu’à aujourd’hui. Ce livre est rédigé en serbe, mais comme c’est une collection de thèmes de naissance, la langue n’a pas beaucoup d’importance. Ce qui me frappe à sa lecture c’est que tous les astrologues vivants actifs en astrologie traditionnelle dont les thèmes sont publiés ont une opposition serrée Soleil-Saturne. Alors que les petites créatures légères qui batifolent dans les champs ensoleillés de l’astrologie contemporaine ont… des positions comme des planètes en Balance. Et dans les thèmes de la plupart d’entre eux, Saturne n’apparaît même pas.

 

Qu’est-ce que cela nous dit, à part que les astrologues traditionnels ne sont pas les premiers que l’on pense à inviter pour une fête ? On pourrait d’abord penser : « Ah, ils sont obsédés par le passé – par ce qui devrait être mort et enterré depuis longtemps ». Mais ensuite, on se penche sur les thèmes de naissance de Lilly et de Culpeper et on trouve la même opposition serrée Soleil-Saturne. Il n’est jamais venu à l’esprit ni de Lilly ni de Culpeper qu’ils pratiquaient une astrologie « traditionnelle » ou même qu’ils étaient anachroniques. Ils pratiquaient l’astrologie telle qu’elle était – il n’y avait rien d’autre sur le marché.

 

Loin de l’image actuelle du sévère traditionaliste, Lilly était en fait un moderniste enflammé. Il était le premier dans la file à s’intéresser aux innovations concoctées par Kepler, comme l’absurdité contradictoire des aspects mineurs. Je suis certain que si vous étiez allé le trouver pour lui dire : « Salut Bill, as-tu déjà entendu parler de Sedna ? », il vous aurait serré la main vigoureusement en répondant : « Wow, regarde, elle est en plein sur mon Chiron ! ». Je reviendrai là-dessus plus loin.

 

J’ai déjà entendu certains qualifier l’astrologie pratiquée généralement au XXème siècle d’astrologie traditionnelle, dans l’ignorance insouciante qu’une autre forme d’astrologie existe ou ait jamais existé. Pourtant, il semble malgré tout se produire une prise de conscience de plus en plus importante qu’il y a eu une vie avant Alan Leo. On peut discuter des vertus de l’astrologie du XXème siècle, mais je ne pense pas qu’on puisse sérieusement dire qu’elle est traditionnelle.

 

Retournons à notre question : qu’est-ce que l’astrologie traditionnelle? Dans le monde de ces créatures épouvantables et affligées par Saturne, qui sont décrites, par elles-mêmes ou par les autres, comme des astrologues traditionnels, il y a plusieurs factions qui portent plusieurs noms – un peu comme dans le monde de la politique révolutionnaire. Et ils se mettent très en colère s’ils sont assimilés à la mauvaise faction, comme si l’on confondait des Trotskystes et des Maoïstes.

 

Il y a ceux qui pratiquent l’astrologie médiévale. Ce choix me déroute. Je vis au XXIème siècle. Mes clients vivent au XXIème siècle. Pourquoi ferais-je de l’astrologie médiévale ? « M’aime-t-il? ». « Oh, mais cela n’a pas d’importance, vous mourrez tous les deux demain de la peste noire ».

 

Je dois ici insister : quand j’utilise le terme « astrologie moderne » pour l’opposer à l’astrologie traditionnelle, je le fais de manière très vague, comme une abréviation pour dire quelque-chose comme « l’astrologie pratiquée le plus communément dans le monde moderne ». Je soutiens fermement que l’astrologie que je pratique est tout aussi moderne que celle qui utilise une foule d’astéroïdes. Elle est totalement moderne, mais elle a des racines plus profondes.

 

On entend parler « d’astrologie classique ». Classique par rapport à quoi ? S’il y a quelque matière classée sous l’expression « astrologie classique », il y en a probablement plus encore classée sous le label « astrologie facile ». En effet, c’est en quoi consiste surtout l’astrologie pratiquée dans le monde moderne : une astrologie facile.

 

Mais ce n’est en aucune manière un phénomène nouveau. L’essentiel de l’astrologie pratiquée au cours de l’histoire est une astrologie facile, parce que, la plupart du temps, c’est ce que le public de l’astrologue recherche. « Quand le rencontrerai-je ? Oh, très bientôt et d’une manière assez inattendue ». Ou, à un niveau plus sophistiqué, comme on peut le lire dans les almanachs : « Il y a une éclipse dans – en fait dans n’importe quel signe – donc une personne noble mourra ». Et devinez quoi : une personne noble est bien morte quelque part, prouvant ainsi qu’il y a un ordre dans l’univers. Dieu est dans le ciel, et tout va bien sur terre.

 

Cette demande pour une astrologie facile d’accès est la raison pour laquelle il y a tellement de bêtises dans les manuels anciens et modernes. Parce que c’est tout ce dont l’astrologue de ce genre a besoin : quelques formules magiques qui font sens à murmurer avant de dire à son client exactement ce que ce dernier veut entendre.

 

« Médiéval » et « classique » sont des termes utilisés par les astrologues eux-mêmes. On entend parfois que d’autres astrologues traitent ces derniers de fondamentalistes. Dans le climat actuel, traiter quelqu’un de fondamentaliste autorise à ne pas écouter ses arguments sans même prendre la peine de les considérer. Si le terme de fondamentaliste a une autre signification, c’est celle de l’exclusivité et du dogme rigide. J’ose suggérer cependant que la conception moderne et son leitmotiv du « c’est vrai pour moi » est tout autant exclusive et dogmatique dans son incapacité ou son refus de trouver de la valeur à tout ce qui ne reconnaît pas ses principes de base.

 

On m’a souvent critiqué pour avoir écrit dans mes livres que les choses sont vraies plutôt que « vraies pour moi ». Je n’ai pas l’arrogance de croire que ce qui est vrai pour moi a le moindre intérêt pour qui que ce soit, mis à part mes proches. Ce qui est vrai pour moi c’est que les Grateful Dead sont bien meilleurs que Céline Dion, mais je ne vais pas écrire un livre pour le prouver.

 

Il y a cependant un terme que j’aime. Lors de notre conférence sur l’Astrologie réelle et durant les six jours de formation intensive en astrologie natale que nous organisons presque chaque année, je parlais d’astrologie hellénistique quand la langue du traducteur allemand a fourché et a donné naissance au concept d’Astrologie hédoniste. C’est quelque chose à quoi j’ai consacré de nombreuses années de recherches sérieuses.

 

Attardons-nous en peu plus sur William Lilly. Ceux qui approchent son œuvre sont pris d’une étrange affliction de la vue qui rend 50% du titre de son remarquable manuel invisible. Quel est ce titre ? L’astrologie ? L’astrologie horaire ? L’astrologie grincheuse ? Non, il s’agit de L’astrologie chrétienne. Quand cette seconde partie du titre est prise en compte, elle est expliquée comme une concession de façade à des pouvoirs qui auraient pu le persécuter, comme une offrande à leurs autels. Pour quelle autre raison voudrait-on appeler ce que l’on fait astrologie chrétienne, sauf pour se croiser les doigts en forme de croix en espérant que rien n’arrivera.

 

Loin d’une concession politique de façade, cette seconde partie du titre était probablement, pour Lilly, le mot le plus important de tout le livre. C’est pourquoi il vient en premier. C’est une référence directe à Tertullien. Tertullien est amusant. Si vous avez lu Lilly et le trouvez acariâtre, essayez donc de lire Tertullien. C’est le Liam Gallagher des Pères de l’Eglise.

 

Dans son traité De l’idolâtrie, Tertullien tourne à un moment son attention sur l’astrologie. L’astrologie serait idolâtre car elle implique d’investir les planètes de pouvoirs. On peut penser que l’on ne le fait plus aujourd’hui, mais c’est complètement faux. Tous ceux qui ont déjà dit « Saturne transite mon Ascendant donc ce n’est pas une période facile pour moi » ou « Je ne peux pas faire ça aujourd’hui car Mercure est rétrograde », investissent les planètes de pouvoirs. Mes collègues sont dehors dans la cour et préparent un grand feu. Ceux d’entre vous qui sont coupables de telles paroles, veuillez former un rang et quand cette conférence sera terminée, ils seront brûlés sur le bûcher.

 

« Mais, dit Tertullien dans sa discussion sur l’astrologie et soulevant un argument contre lui-même, que penser des Rois-mages ? Ils étaient astrologues ? » Il fait grand cas de la phrase des Evangiles « ils regagnèrent leurs pays par un autre chemin » (Mathieu 2, 12). Ils étaient changés par leur rencontre avec le Christ, ils abandonnèrent l’astrologie et commencèrent… il ne nous dit pas quoi – une boutique de souvenirs peut-être. Mais ce à quoi Lilly se réfère spécifiquement est l’affirmation suivante de Tertullien : « L’astrologie de nos jours traîte du Christ. C’est la science des étoiles du Christ ».

Donc, quand Lilly titre son livre ‘L’astrologie chrétienne’, c’est une prise de position radicale. Ce n’est pas de la pure façade, mais bien l’affirmation claire de son opinion.

 

Lilly était millénariste. Nous ne savons pas exactement à quelle secte il adhérait, mais il est évident qu’il était persuadé de vivre les derniers jours du monde. Pendant le temps de son existence, soit la seconde venue du Christ sur terre soit le règne des saints qui hâterait cette seconde venue se produirait avec certitude. Donc, il utilisa son astrologie en vue de ce grand événement.

 

Bien sûr, Tertullien ne se faisait pas le défenseur d’une nouvelle forme d’astrologie –  « Eh, c’est comme ça qu’on fait de l’astrologie chrétienne ! », Il affirmait en fait que l’astrologie était désormais obsolète. Il est très improbable que Lilly ait lu Tertullien mais il est également très improbable qu’il n’ait pas entendu parler de son argument par la bouche de quelques prêcheurs promettant les feux de l’enfer et vitupérant contre l’astrologie. Vitupérant contre William Lilly et ses semblables. Il faut se souvenir que Lilly écoutait deux à trois sermons chaque dimanche et l’idolâtrie, et surtout la question de savoir ce qui permettait de la reconnaître, était le gros problème du moment. Ces prêcheurs voulaient dire autre chose en disant « l’astrologie aujourd’hui traite du Christ ». Ils suivaient Tertullien et rejetaient l’astrologie. Mais Lilly a fait sienne cette affirmation : « D’accord, dit-il, l’astrologie chrétienne, c’est ça ».

 

Donc, le titre « L’astrologie chrétienne » est une courageuse déclaration d’intention : c’est un manifeste pour son livre. Nous savons tous que les courageuses déclarations d’intention sont faciles à faire, les suivre est bien plus difficile. Vous êtes nombreux ici à avoir écrit des livres : vous connaissez tous la différence entre la courageuse vision originelle et ce qui s’avère en réalité possible. Est-ce que L’astrologie chrétienne est à la hauteur de la vision originelle de Lilly ? Pas vraiment.  Il y a beaucoup d’astrologie facile dans ses pages, beaucoup de fausses formules magiques et d’hocuspocus. (pour faire une digression hors sujet mais intéressante, je signalerais que le terme « hocuspocus » dérive précisément du débat sur l’idolâtrie qui avait cours à l’époque de Lilly. C’est une parodie de la formule « hoc est corpus » : ceci est le corps).

 

Lilly reprend ce qu’il trouve dans les anciens manuels astrologiques. Il opère un tri relativement important – « les anciens disent ceci, mais ça ne marche pas » - mais sans plus. Pourtant, dans certaines parties de l’ouvrage, il va plus loin. Cela apparaît dans ses jugements politiques : tant dans ses jugements horaires sur des problèmes politiques que dans les passages de son volume sur l’astrologie natale qui abordent l’étude de la nativité du roi Charles Ier, dont les interprétations sont marquées par ses vues fort partiales sur l’actualité.

 

Par exemple, il présente un thème horaire sur le type d’exécution que devra subir l’archevêque de Canterbury. Le jugement de Lilly sur ce thème n’est en rien basé sur des principes astrologiques. Ce qu’il écrit est de la pure propagande. Ce qui le préoccupe est de montrer que l’archevêque de Canterbury – qui appartenait au parti du roi et donc, du point de vue de Lilly, était un vrai méchant – est justement un vrai méchant puisque les étoiles le disent, qu’il mérite son destin, et que le Parlement se montre clément envers lui en lui offrant une mort digne – la décapitation à la place de la pendaison. Lilly ajoute platement : « Je pensais que c’était un homme bien ». Mais il est évident à la vue de la totalité du jugement qu’il ne le pensait pas du tout. Il nous dit simplement : « Ne pensez pas que je tords la réalité parce que je ne l’aime pas, mais les faits astrologiques parlent d’eux-mêmes ! »

 

Ce qui est faux. Mais, alors qu’il démontre que les événements politiques sont guidés et ordonnancés par Dieu tels qu’ils sont écrits dans les étoiles, nous voyons apparaître l’astrologie radicalement chrétienne de Lilly. « Tout va bien, le Grand Monsieur est avec nous ». Nous faisons d’ailleurs exactement la même chose quand nous disons en regardant un thème : « Ta Lune et sur mon Soleil : oh, chéri(e), nous sommes faits l’un pour l’autre ». Lilly n’était en aucune manière le premier à avoir utilisé l’astrologie dans ce sens : ce type de propagande existe depuis toujours. Mais c’est la croyance que son astrologie aidera à mener vers le royaume du Christ sur Terre qui explique les invisibles 50% du titre de son livre.

 

Donc, dansL’Astrologie chrétienne, il y a beaucoup d’astrologie facile et beaucoup de propagande –Georges Orwell dit que, en utilisant le mot « politique » dans son sens le plus large, soit « le désir de pousser le monde dans une certaine direction », « aucun livre n’est authentiquement libre de penchant politique » Ce qui est assez vrai : votre liste de course est elle aussi politique. En outre, dans n’importe quel livre autre que les tables de multiplication, il y a des lacunes dans les connaissances de l’auteur.

 

C’est la raison pour laquelle Lilly aime tant les innovations : pour combler les lacunes de ses connaissances.  

 

Ces lacunes existeront toujours, sauf si, peut-être, les auteurs attendent jusqu’à leur mort avant d’écrire – ce qui serait selon moi, dans de nombreux cas, une excellente idée. La logique d’un livre exige qu’on ne laisse aucune lacune. On connait A, on connait B, mais on doit dire quelque chose sur C et – « Oh, mon cher, je n’y connais pas grand-chose sur C ». Souvent la gymnastique mentale que cette situation demande produit l’inspiration, une avancée dans notre connaissance. Parfois, ce que cela produit ressemble plus à Coyote qui réalise qu’il a couru plus loin que le bord de la falaise. Lilly se trouve souvent dans cette position.

 

Je parle ici de Lilly car certains considèrent ses écrits comme une révélation infaillible et tordent toutes les règles de l’art pour justifier ses vues. La même chose est vraie de Bonatti – un autre candidat populaire à l’infaillibilité – ou de n’importe quelle autorité. J’ai discuté des trois raisons pour lesquelles les livres sont imparfaits mais il y en a beaucoup d’autres. Il ne faut pas faire confiance aux livres et les investir d’autorité est peu judicieux.

 

Par conséquent, le jeu populaire parmi les astrologues traditionnels consistant à s’envoyer à la figure de gros volumes est idiot. Certains aiment jouer à « Mon autorité est plus ancienne que la tienne ». D’autres préfèrent la variante « Mon autorité est plus obscure que la tienne » -  si vous êtes capable de baser la totalité de votre astrologie sur le travail de quelqu’un dont on n’a jamais entendu parler, vous êtes vraiment fort !

 

Ibn Ezra est instructif dans ce cas. Ibn Ezra est indubitablement l’esprit le plus subtil à s’être jamais exercé à l’astrologie. Mais ce n’était pas son travail quotidien. Il était rabbin. Pas n’importe quel rabbin, mais celui que Maimonide considérait comme le plus grand commentateur rabbinique de la Bible. Que font les rabbins ? Ils débattent. Donc il s’y connaît en matière d’arguments et sait reconnaître un argument solide.

 

Son Livre des nativités ne contient rien de particulièrement stupéfiant en termes de technique. Ce qui est intéressant est la manière dont il traite l’autorité. J’ai dit que Lilly opérait un tri relativement important dans l’Astrologie chrétienne. Ibn Ezra cite autorité après autorité tout en répétant un peu comme un refrain tout au long de son livre « Cela n’a aucun sens », « Cela ne peut pas marcher », « Est-ce que celui-là a déjà vu un thème ? ». On peut l’imaginer s’arrachant les cheveux à la lecture de ce qui a déjà été écrit. C’est une leçon pour nous tous. Comme l’a dit Culpeper : gardons nos esprits dans nos têtes, là où ils doivent être, et non dans nos livres.

 

Si nous suivons l’avis de Culpeper, il n’est pas nécessaire que nos autorités soient infaillibles. La grande valeur de Lilly – je le répète, je prends Lilly comme exemple car je connais mieux son travail que celui d’autres – ce n’est pas son infaillibilité, mais bien ses fréquentes erreurs. Par exemple, il analyse laborieusement le tempérament de quelqu’un puis dit : « Je connais cet homme, et il n’est pas du tout comme ça ». Ou il se plaint qu’une de ses clientes en astrologie horaire ne soit pas reconnaissante après qu’il lui ait expliqué comment elle pourrait persuader un homme de ses connaissances de l’épouser. On regarde le thème et on se dit : « Bien sûr qu’elle n’est pas reconnaissante, Bill, tu ne la maries pas à celui qu’elle veut ! »

 

S’il ne faisait pas toutes ces erreurs, on pourrait penser que ses méthodes sont parfaites. C’est loin d’être le cas, comme toutes nos méthodes d’ailleurs – mais on peut aspirer à s’améliorer. Ce qui me ramène à Lilly, le moderniste enflammé. Il y a des lacunes dans notre savoir, c’est inévitable. Comment les comble-t-on? Il existe deux réponses habituelles. D’abord la réponse de la modernité, qui consiste à se projeter dans le futur et à acquérir suffisamment de nouvelle matière pour se débarrasser de l’ancienne considérée comme imparfaites. Je parle ici de la modernité au-delà de l’astrologie, c’est-à-dire l’attitude dominante du monde occidental depuis des siècles.

 

Ensuite il y a la réponse qui consiste à se retourner vers le passé. Elle est souvent désignée, à tort selon moi, comme la méthode traditionnelle. 

 

La distinction entre ce qui est traditionnel et ce qui ne l’est pas relève souvent de la division chronologique. Ce qui est ancien est traditionnel, ce qui est nouveau ne l’est pas. C’est une erreur qui m’apparaît plus clairement maintenant que lorsque j’écrivais The Real Astrology. L’astrologie traditionnelle ne s’arrête pas quelque part au XVIIIème siècle. Elle est bien vivante aujourd’hui. Un livre comme The Horary Textbook, n’est pas un livre sur la tradition mais une partie bien vivante de la tradition au même titre que ce qui a été écrit par n’importe lequel de nos illustres ancêtres.

 

Il n’est pas vrai non plus que tout ce qui a été écrit il y a longtemps relève de la tradition. La tradition astrologique occidentale est monothéiste. C’est l’astrologie des juifs, des chrétiens et des musulmans. Comme telle, elle se positionne contre toute astrologie de type relativiste. Les astrologies égyptienne, hellénistique, védique et l’astrologie pratiquée en général aujourd’hui ne font pas partie de la tradition de l’astrologie occidentale. En outre, du fait des philosophies au sein desquelles elles se sont constituées, elles ont plus en commun les unes avec les autres qu’avec la tradition.

 

Cela a à voir avec le fait que pour beaucoup l’astrologie hellénistique est le côté acceptable de la tradition. C’est vrai, les Grecs on écrit de nombreux livres sur la couverture desquels ils ont eu la décence d’écrire « Astrologie » en lettres capitales plutôt que de nous forcer à lire entre les lignes pour la trouver, comme dans de nombreux autres travaux.  Mais je soupçonne également que l’enthousiasme pour les Hellènes est en grande partie lié à l’image de cette société qui semble à de nombreux égards assez proche de la nôtre – certains auteurs contemporains rêveraient d’un poste à la bibliothèque d’Alexandrie! Cela a produit une surévaluation du rôle des Hellènes dans l’histoire.

 

Il est aussi très important de comprendre que la tradition n’est pas un désir ardent d’un retour vers les âges passés où les choses étaient meilleures qu’aujourd’hui. Il y a une littérature traditionnaliste en dehors du monde de l’astrologie – des auteurs comme Huston Smith, Coomaraswarmy, Schuon – qui ont ce genre de d’opinions, que les astrologues traditionnels sont souvent accusés d’embrasser, même s’ils sont très peu nombreux. « Il y a eu un jour un âge d’or, et depuis, la vie a implacablement empiré ». Peu importe la gravité intellectuelle de l’expression de cette opinion, elle me rappelle toujours la croyance profonde de ma grand-mère que la civilisation était morte le jour où les facteurs ont cessé de porter des chapeaux. Cette conception est profondément non-traditionnelle. Elle doit beaucoup à la nostalgie de la jeunesse perdue et au mouvement romantique et son idéalisation de l’enfance : elle n’a rien à voir avec une juste compréhension de la tradition.   

 

La tradition est vivante. Elle vit, respire, bouge et change. Une tradition qui ne change pas est morte – et quel intérêt autre qu’un pan d’archéologie intellectuelle stérile peut-elle avoir ? Ce changement correspond à ce que l’Eglise catholique appelle « l’opération du Saint Esprit ». Il ne s’agit pas d’une abstraction théologique mais bien de la reconnaissance qu’une tradition, comme un individu, peut gagner en sagesse. Nous apprenons des choses et nous en réalisons. Nous grandissons.

 

N’étant pas issu de cette littérature traditionnelle, le théologien Josef Pieper écrit que la tradition doit être transmise exactement comme elle a été reçue. Cela aussi est une erreur. Si la tradition était un artefact matériel, ce serait évidemment vrai : si j’hérite de la Joconde de mon père, il est de mon devoir de la transmettre à mon fils sans y ajouter des fioritures personnelles. La tradition n’est pas un artefact matériel. Elle doit changer et être changée. Mais il est vital que ces changements préservent sa pure essence. Tant que cette essence perdure – tant que sa vérité philosophique n’est pas corrompue et ne glisse pas dans un relativisme facile pour complaire aux modes contemporaines – la forme extérieure de cette tradition doit s’adapter aux exigences du temps pour ne pas devenir simple anachronisme. L’astrologie traditionnelle n’est pas un film avec costumes d’époque. L’idée qu’il faut adhérer strictement à telle ou telle autorité du passé est aussi ridicule que le péplum où le jeune acteur américain se drape dans son drap de lit pour jouer au romain antique.

 

Cette idée de recherche de la perfection dans le passé – la perfection a existé il y a longtemps et a décliné depuis – n’est rien d’autre que le reflet de l’idée de la réalisation de la perfection dans le futur, si seulement nous sommes capables de rassembler de nouvelles matières, comme la découverte de nouvelles planètes par exemple.  L’histoire de la tour de Babel devrait nous persuader que l’idée d’une perfection humaine dans le futur est impossible. Mais quand nous voyons ceux qui recherchent l’autorité dans le passé s’envoyer de lourds volumes à la figure, nous constatons que ce retour vers le passé nous ramène avec la même certitude à Babel.

 

Je pense que notre attitude vis-à-vis de la tradition ne devrait être ni d’essayer de la conserver telle qu’elle était dans le passé ni de la remodeler pour le futur, mais bien de la comprendre dans le présent. Cette meilleure compréhension ne viendra pas de la lecture de nombreux livres mais du déplacement graduel de nos perceptions pour voir non pas de simples manifestations de notre moi mais bien ce qui est devant nous. Cela requiert la volonté de nous changer nous-mêmes pour pouvoir comprendre et non l’empressement à changer l’astrologie pour la rendre compréhensible. C’est pour cette raison que les premiers mots du manuel d’Ibn Ezra sont les plus importants jamais écrits en astrologie : Le début de la sagesse est la peur du Seigneur. C’est cela le cœur de la tradition astrologique occidentale.

 

Car voilà bien l’alignement géographique fondamental : là-haut se trouve le Créateur ; nous sommes ses créatures – et par conséquent il y a une relation nécessaire entre nous. C’est le « tu es ici » fondamental du thème astrologique. La complexité de ce thème importe peu, comme le nombre de nouvelles planètes que nous ajoutons où le nombre d’anciennes techniques que nous déterrons : si nous n’avons pas ce « tu es ici », le thème est inutile. Il est clairement évident que la plupart des innovations – importées du futur ou du passé – sont précisément des tentatives pour compenser ce « tu es ici ».

 

La vérité n’est ni derrière ni devant nous, mais seulement, tout le temps et pour toujours là-haut.

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C’est pourquoi ceci est le portrait de l’astrologue traditionnel !

John Frawley

Traduit par Jérôme Livemont

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